J’ai été invitée par des amis à aller voir le film chinois « Le totem du loup » durant la soirée inaugurale de la semaine du cinéma chinois, tenue au cinéma Hanaguer, affilié à l’Opéra du Caire, la semaine dernière. Franchement, je n’étais pas trop enthousiasmé au début, le cerveau lavé par la splendeur du cinéma américain. D’ailleurs, je suis arrivé en retard car je ne m’attendais pas à ce que beaucoup de monde vienne voir le film. A ma grande surprise, il y avait vraiment beaucoup de personnes présentes, dont la majorité est égyptienne, par surcroît. En suivant les évènements du film, j’étais éblouie par la profondeur des idées, le professionnalisme de la mise en scène et la gigantesque production.
En fait, la première projection cinématographique en Chine a été en 1896, et la première production en 1905. Le vrai décollage a été dans les années trente du siècle dernier. La Chine est devenue, aujourd’hui, le deuxième marché mondial du cinéma après l’Amérique du Nord. Si l’on se fie aux chiffres du centre de recherche de l'Administration d'Etat de la Radio, du Cinéma et de la Télévision (SARFT), le total des revenus de la radio, du cinéma et de la télévision (incluant les subventions gouvernementales) est de l'ordre de 347,693 milliards de yuans, en hausse annuelle de 20,11%.
Ces chiffres dévoilent que la Chine ne s’étant pas contentée d’être un leader sur le plan économique, d’être la prochaine première puissance mondiale, elle continue à envahir le monde sur le plan culturel. En ce qui concerne l’Egypte, le centre culturel chinois est en plein action dernièrement, il y a certainement beaucoup de travail pour ses employés, un grand évènement au moins chaque semaine. Bien que ce ne soit pas la première fois que la semaine du cinéma chinois ait lieu, « mais, c’est la première fois qu’elle soit de cette envergure » dit un représentant du centre culturel chinois.
En effet, cette tendance chinoise de vouloir répandre sa culture n’est pas récente, elle remonte aux temps anciens. Le mot « Chine » lui-même signifie « le pays du milieu », au sens de «centre du monde ». Elle a inventé un système d’écriture (idéogramme), répandu une religion (bouddhisme), fondé une philosophie (confucianisme), qu’elle a ensuite diffusés vers ses voisins de l’Asie de l’Est. Sauf que dernièrement elle vise le reste du monde.
Pour ce qui est du film « Le totem du loup », ou selon la traduction française « Le dernier loup », il est une adaptation d’un roman du même nom qui a eu un très grand succès, au point que le Monde l’a qualifié dans un de ces éditions « l’offensive mondiale du Totem du loup ». Le film Il a été mis en scène par le français Jean-Jacques Annaud qui a été lui-même tombé amoureux de la Chine et de la Mongolie intérieure où tourne l’histoire, comme il l’a déclaré. Un véritable effet de mondialisation : comme chaque pièce de ton portable est fabriquée dans un pays différent, ce film mêle une production chinoise, une mise en scène française et des acteurs chinois.
Un totem est un être spirituel, un objet sacré ou un symbole servant d'emblème à un groupe de personnes, comme une famille, un clan, une lignée ou une tribu, comme l’est le loup dans notre cas. L’histoire relate les interactions entre les hommes et les loups et le rapport harmonieux qu’il faut établir entre les hommes et l’environnement. Le loup n’est pas nécessairement l’ennemi de l’homme, mais les gazelles le sont, car ils se nourrissent sur la végétation dont se nourrit l’homme. Il ne faut pas, donc, perturber le système, ni se fier aux apparences : notre pur ennemi peut nous causer moins de mal que notre pur ami.
Finalement, une question se pose : Le taux d’affluence des spectateurs égyptiens est-il un indice que le cinéma chinois a déjà mis le pied en Egypte ? Cette industrie y acquerra-t-elle la même popularité des autres industries chinoises ? Les années à venir décideront.